Les Mercredi poétiques de Louis
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- Le 01/05/2019
- Dans Divers
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Louis Ruiz
"La Retirada"
Ce livre a obtenu
le Grand Prix des Jeux Floraux Méditerranéens
décerné par
"Poètes sans frontière".
…
Dans des torchons noués en guise de valises
Elle rangea l'argent et quelques friandises.
Et, dès le lendemain, avant le petit jour
Nous prîmes à la gare un billet sans retour.
Pareil à l'oiseau bleu lorsqu'il déploie son aile
Tous trois prîmes l'envol vers la France éternelle.
Trois ? Que dis-je ? Plus un, devant, inaperçu,
Dans ce train de l'espoir, sans billet ni reçu.
Ma mère regardait vers l'aurore naissante ;
Elle avait l'air serein mais elle était tremblante.
Son oeil s'était rempli d'incertitude, hélas,
Imaginant l'instant d'aborder Figueras.
Mon frère s'amusait de façon déplaisante ;
Il taquinait le chien d'une femme élégante
A tel point que Maman après l'avoir grondé
Lui dit sévèrement : « Viens là, dévergondé ! »
Or la femme du monde apparemment racée
Lui dit : « Oh ! Laissez-le » point du tout courroucée.
Puis avec discrétion et des mots distillés
Lui demanda : « Madame, où est-ce que vous allez ?
— A Figueras, revoir mon demi-frère Antoine. »
Je vis rougir ses joues autant qu'une pivoine
Et pour cacher l'émoi, le trouble était si clair.
Me dit : « Surveille Juan. Je vais prendre l'air. »
J'avais vu son regard et son doigt sur les lèvres,
Alors que l'étrangère observait les genièvres.
A dix ans, quel aveu, j'ai appris à mentir,
Car la dame, effrontée, voyant Mère sortir
Me demanda soudain, tenant son chien en laisse :
« Dis-moi ; petit, quelle est de ton oncle l'adresse ?
— Une rue dénommée rue de la Liberté. »
Mère vint près de moi, me voyant embêté,
Et s'assit à ma gauche, émue, sans rien me dire.
Son visage était blanc, on l'aurait cru de cire,
Et moi, j'étais heureux, et craintif à la fois.
La ville était en vue ; le train siffla trois fois.
...
Louis Ruiz « La Retirada » (A suivre)
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