Les Mercredi poétiques de Louis

…
Puis vinrent tout à coup troubler les nuits sereines
Les hurlements aigus de toutes les sirènes,
Badalona tremblait comme un saule pleureur,
Les oiseaux allemands répandaient la terreur.
Ce fut le tout début d’une longue épopée
Menacés nuit et jour par une fine épée
Savamment suspendue quelque part dans les cieux
Effrayant sans répit les plus audacieux
Dans les débris épars des choses non gommées,
Je vois les oiseaux bleus avec des croix gammées.
Je n’oublierai jamais les bruits étourdissants
Même si je vivais au-delà de cent ans.
Les oiseaux de la mort faisaient des arabesques
Et du port s’élevaient des fumées gigantesques.
Les enfants apeurés couraient dans tous les sens,
Certains vers les abris, d’autres à contresens.
Moi, délaissant les jeux, je rejoignais ma mère
Dans un trou au jardin, peu profond et sommaire
Que Père avait creusé juste avant son départ :
La terre tout autour nous servait de rempart.
Nous ressortions meurtris dès la fin de l’alerte ;
Le silence régnait, la rue était déserte
Puis, la nuée d’enfants des refuges venus
Ravivait le quartier de leurs cris ingénus.
Nos jeux soudainement prirent d’autres allures ;
La guerre nous hantait et dans nos âmes pures
Naissait l’envie de jeux encore plus violents
Et les dieux trop distraits n’étaient points vigilants :
Sans aucun repentir, sans la moindre inquiétude
A jouer au soldat nous prîmes l’habitude.
Nous faisions des fusils avec des bouts de bois,
Les branches de sureau dont on fait les hautbois
Pendaient à notre cou en guise d’escopette ;
Et le bout le plus long nous servait de trompette.
Quand la sirène aiguë arrêtait nos jeux fous
Pour des combats nouveaux nous prenions rendez-vous….

Louis Ruiz « La Retirada » (A suivre)