Les Mercredi poétiques de Louis - "J'ai osé"

J'ai osé

Ô ! Phèdre, en poignardant deux amants vertueux,
L'innocente Aricie, et le pur Hippolyte
Tu poignardes aussi mon orgueil fastueux
En dépouillant crûment mon audace insolite.

Avant de t'avoir lu, gigantesque Racine
Je voyais dans mon vers quelque menu crédit.
Depuis, j'ai déchanté, triste je l'imagine,
Veule, comme l'oiseau tombé trop tôt du nid.

Mes yeux se sont ouverts sur une plaine immense
Toute semée d'un blé, dont j'ignorais le nom.
Muses, vous qui savez ma profonde ignorance
J'aimerais, à genoux, vous demander pardon.

J'ai osé, ébloui par je ne sais quel lustre,
Comme Icare autrefois me lancer dans les airs,
Oubliant, ô ! folie, que je n'étais qu'un rustre,
Ne sachant pas voler, ni écrire des vers.

Pourquoi n'ai-je pas su, comme Phèdre jadis,
Prendre Oenone aguerrie en toute circonstance,
Me sachant dispenser quelques De Profondis
Psaume du repentir et de la pénitence.