Les Mercredi poétiques de Louis

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  • Le 24/04/2019
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 Louis Ruiz

 

"La Retirada"

 

 

Ce livre a obtenu
le Grand Prix des Jeux Floraux Méditerranéens
décerné par
"Poètes sans frontière".


Un jour, sur le perron, juste avant que je rentre,
J’ai vu Mère pleurer, le regard sur son ventre.
Elle avait dit ces mots, plus blessants qu’un obus :
« Pourquoi, mon Dieu, pourquoi ! Un orphelin de plus ? »
Je n’avais que dix ans, mon âme était tremblante
Car j’avais tout compris comme quelqu’un de trente.
Ma mère était enceinte et mon père aux enfers,
Et moi, j’avais le coeur criblé par mille fers.
Mon frère revenant de chez une voisine
N’avait pas entendu cette phrase assassine
Mais, nous voyant pleurer tous les deux, comme ça,
Nous dit tout étonné : « J’étais chez Valesa. »
Le doute quelquefois fait de profonds ravages :
Il mordille le coeur comme des chiens sauvages.
Et ce qui n’est souvent qu’un vain pressentiment
Prend l’ampleur absolue d’un triste événement.
Car, deux heures plus tard, ce fut l’apothéose ;
L’avènement sacré d’une métamorphose,
Un déluge de joie s’abattit sur nos coeurs
Plus doux que la rosée qui caresse les fleurs.
Le facteur était là, avec tante Isabelle
Et, lorsque de son sac plus beau qu’une escarcelle,
Il retire le pli, ô combien précieux
Ma mère avait levé son regard vers les cieux.
Le facteur devinant l’objet de sa souffrance
Lui dit : « Soyez heureuse, elle vous vient de France. »
Isabelle la lut trébuchant sur les mots.
L’illettrisme est, je crois, le plus sournois des maux.
Je n’ai su que plus tard combien coûte de dire :
« Amis, écris-la moi, je ne sais pas écrire. »
Aujourd’hui, je l’affirme en écrivant ces vers :
L’ignorance est un monstre humiliant et pervers ;
Un mur inaperçu où se brisent les âmes.
Je ne vois dans les maux de choses plus infâmes.
Mes parents eux, étaient des illettrés parfaits
Et moi, je tais l’aveu et je reviens aux faits.
Ô ! Quelle joie soudaine. Ô ! Quel instant sublime :
Il ne peut s’exprimer, si riche soit la rime ...

Louis Ruiz « La Retirada » (A suivre)

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